Il y a des enfants qui naissent dans la chaleur épaisse des draps de soie. Il y a des enfants qui naissent dans le froid. Il y a des enfants qui viennent de loin, d’une terre noire là-bas. Il y a toi. Il y a moi. Il n’existe pas de justice qui va de soi. Pourquoi suis-je choyée ? Et pourquoi toi, tu ne l’es pas ?
Pendant cinq jours, je suis engagée par l’asbl L’Atelier (à Barvaux, en Wallonie). Ma mission : passer une semaine en résidentiel avec des jeunes garçons qui sont venus trouver un asile en Belgique. Je suis engagée pour leur donner six heures d’ateliers artistiques par jour, pour aider à faire advenir entre nous une communauté douce et éphémère et pour porter le témoignage que vivre ensemble est possible et même réjouissant. C’est la deuxième année que je suis engagée et, cette année, j’aurai la mission, en plus de la semaine avec les femmes (la résidence dite « Fabuleuses »), de participer à la résidence avec les hommes (la résidence dite « Brut », par allusion à l’art brut). A mes côtés, j’ai la compagnie de Quentin qui est artiste plasticien et qui animera la semaine avec moi.
Je n’ai jamais accompagné des jeunes gars. J’ai beaucoup d’outils en musique et en mouvement mais ce sont des outils dont j’ai la croyance qu’ils seront trop « féminins », trop « sensibles », trop « corporels », trop « new-âge », trop « bobos » pour ces garçons qui ont traversé le désert et la mer, échappé à la violence de certains brigands ; ces jeunes hommes qui ont contournée des cadavres, frôlé leur propre mort, manqué d’eau potable ; ces grands enfants qui ont quitté leur mère et leur terre en même temps que leur enfance.
Les premiers jours passent et, entre les coups de pinceaux et les traits de crayon, ils livrent un peu de leur histoire. Pour moi, c’est sûr, ce sont des héros !
Est-ce parce qu’ils ont ressenti que derrière mon admiration se cachait mon amour, est-ce parce qu’ils l’ont ressenti entre deux consignes ou entre une tranche de pain et une première tasse de café ou entre une accolade de bonne journée et celle d’une bonne nuit, est-ce parce que nous nous sommes rencontrés depuis notre humanité qu’ils ont pris le risque fou de me faire confiance alors qu’ils me connaissent à peine ?
Les premiers jours passent et, avec des cutters, nous découpons méticuleusement des petits motifs (souvenirs de notre enfance) sur des grandes affiches et nous écoutons parfois les Nocturnes de Chopin, parfois du RnB, parfois Céline Dion. Et je réalise que je me suis rarement sentie autant à ma place. Ils me font confiance et, soudainement, moi aussi, je me fais confiance.
Le mercredi matin, je dis à Quentin que j’aimerais tester un voyage chamanique qui sera suivi directement par un moment de peinture, juste pour voir ce que ça modifie dans notre pratique artistique. J’ai peu de temps. Je retrouve quelques notes dans mon carnet BAO et dans un résumé que Danielle nous avait envoyé par e-mail après son module. Les informations ne sont pas complètes alors je replonge dans mes souvenirs frais. Mais j’ai peur de ne pas être légitime. J’ai peur de jouer les apprentie-sorcière. J’ai peur d’ouvrir certaines portes dans les profondeurs de l’âme de ces garçons. Aurais-je les compétences pour les aider à les refermer ? Saurai-je accueillir les larmes et trouver les mots de consolation ? Et je me demande, au fond, s’agit-il de compétence ou d’amour ? Je choisis de croire, vu l’heure qu’il me reste auprès de ma tasse de café, qu’il s’agit avant tout d’amour et je finalise ma conduite.
Je préviens l’animateur d’un autre groupe qui occupe une salle voisine : « s’il vous plait, n’entrez pas dans notre salle ce matin ». Nous fermons les rideaux. Une musique de méditation remplacera le tambour de Danielle. Je n’ai pas eu l’occasion de leur demander d’apporter tapis de yoga et plaid tout doux. Et quand bien même, ils n’auraient pas compris à quels objets je fais référence. Alors c’est la débrouille. L’essentiel : mettez-vous bien. Mais ça veut dire quoi « se mettre bien » ? Certains se couchent sur le sol froid. Alors nous déplaçons des tapis et on retire les mousses des divans. On les place près d’eux. On vérifie. On amène d’autres coussins. On vérifie encore. On redemande : ne veux-tu pas te coucher ? As-tu envie de ce coussin-ci plutôt que de celui-là ? Et petit-à-petit « se mettre bien » est une expérience physique et réelle.
Aujourd’hui, je dirais que le voyage chamanique a commencé là.
Ensuite, ils ferment les yeux. Je les guide avec ma voix et mon anglais approximatif. En français, aussi, je choisis des mots faciles. Tout en déroulant le voyage transmis par Danielle, je prends conscience que notre civilisation est remplie de concepts théoriques. « La chambre des blessures », « la chambre des contrats », « une croyance ». Comment traduire ? Alors j’improvise. Daniel (au masculin cette fois) s’est endormi. Je suis rassurée. Son sommeil est difficile à trouver. Le soir, il n’ose pas entrer dans la solitude de sa chambre et cherche à contourner les fantômes de la nuit avec des jeux sur son téléphone. Quand je me lève endormie pour aller à la toilette, il est encore là, assis par terre, le dos appuyé contre le mur du couloir. Au moins, ce matin, il se repose. Pour les autres, nous saluons et nous quittons Huascar. Nous remontons la rivière à contre-courant, comme des saumons.
Podcast « Résidence Brut » – (Témoignage sonore de la résidence Brut, regroupant des demandeurs d’asile.)
Podcast de la méditation guidée « Fabuleuses 2025 » – (Témoignage sonore de la résidence Fabuleuses, regroupant des femmes belges, des demandeuses d’asile et leurs enfants.)
Le voyage est terminé. J’éteins progressivement le volume de la musique prétendument tibétaine. Et je chante. Je chante en suivant là où ma voix veut aller. Chanter pour prendre soin de nos âmes. Chanter et improviser. Chanter pour me mettre aussi à voyager. Chanter avec toutes les hésitations de mon humanité.
Pendant ce temps, Quentin dépose à côté d’eux des grandes pages blanches ainsi qu’un pinceau et un pot d’encre noire. Seule consigne : trempe le pinceau dans l’encrier et laisse ton bras aller là où il veut aller. Le silence est embrumé, les yeux se sont ouverts, les corps roulent et, à même le sol, les garçons se mettent à peindre. Pour certains, c’est la première fois.
Je sens la magie. Ou serait-ce la beauté ?
Sans un mot, dans un silence qui leur est paisible, auprès de la compagnie discrète des autres gars, ils suivent leur bras et leur imaginaire. Le temps file et c’est déjà la pause. Ils peuvent prendre l’air, griller une cigarette, se précipiter comme d’habitude sur leur téléphone qui est aussi le dernier fil qui les relie à leur terre et à leur mère. Mais ils ne bougent pas. Ils restent absorbés par le voyage de l’encre noire sur la page blanche.
Artistes sans le savoir.
Je suis bouleversée.
Marie VANDER ELST, artiste et musicienne de profession
« Je crois que la magie est de l’art, et que l’art est littéralement de la magie.
L’art, comme la magie, consiste à manipuler les symboles, les mots ou les images pour produire des
changements dans la conscience. En fait, jeter un sort, c’est simplement dire, manipuler les
mots, pour changer la conscience des gens, et c’est pourquoi je crois qu’un artiste ou un écrivain
est ce qu’il y a de plus proche, dans le monde contemporain, d’un chaman ».
Alan Moore, auteur de la BD « V pour Vendetta »
Et comme nous sommes toutes et tous des artistes…
En coaching, on part du principe que toutes les ressources sont déjà là, à l’intérieur de la personne. Tout ce qu’il lui faut pour vivre une vie pleine de sens et de qualité est présent.
Et ce n’est pas que du concept. Les formations chez BAO Elan Vital sont résolument pratico-pratiques. On y apprend en faisant. On y explore en vrai. Pas de grandes théories suspendues : on passe à l’action, ici et maintenant.
La Vie fait que souvent on perd l’accès à ce potentiel, à cette boussole intérieure propre aux humains.Surtout quand on a vécu des moments d’adversité tels qu’on peut parler de traumatismes.
Marie qui a terminé Explorer en mai Explorer en mai a consulté sa “chamane intérieure” . Cette sagesse en chacun.e de nous.
Elle a créé un cadre qui remet en mouvement là où les choses étaient figées. Elle y a mis les ingrédients essentiels du coaching : de l’audace, une touche de fantaisie, un esprit artiste — et surtout, le goût d’oser. Oser expérimenter. Oser faire confiance. À soi, à l’instant, au processus, aux personnes présentes, à cette part de nous pure, essentielle, inaltérée qu’est l’Ame.
We are not broken! Merci Marie pour ton partage. Nous te retrouvons le 3 juin 18.30 au Bouche à Oreille pour le Vitality Circle avec Abdul Karim Sagari et Laurent Kahn au profit du collectif Désistance
Daniëlle De Wilde